Bonjour,
Le saviez-vous ?En fouinant à droite et à gauche pour trouver des informations sur la société M.E.P, j'ai découvert un entre filet où il est question d'une M.E.P mais celle-ci n'était pas la monoplace que nous connaissons par ailleurs mais un coupé sport."En 1953, Maurice Emile Pezous prépara un coupé spécial doté du groupe moteur de la traction avant Citroën. L'année suivante M.E.P réalisera un autre coupé dont l'arrière ressemblait à la Porsche : La M.E.P 170 SL. À savoir, toutes 2 disposaient d'une mécanique Citroën."Mais, vous me connaissez, mon appétit de savoir n'étant pas repu, je décidais de chercher plus avant pour vous faire partager le fruit de mes recherches
Daphné VII
Les M.E.P. … d'avant la M.E.P. !Bien avant d'étudier et de fabriquer les frêles et légères monoplaces qui servirent de support à une formule de promotion initiée par Citroën et "Total", Maurice Emile Pezous avait connu les joies et les aléas d'une carrière de concepteur et constructeur d'automobiles. Baptisées "Daphné VII", en raison de l'attachement de l'ingénieur albigeois à ce chiffre réputé symbolique, ces jolies sportives ne furent fabriquées qu'à .... sept exemplaires. L'histoire ne dit pas si ce nombre est, lui aussi, rattaché à la tradition !
En 1952 à Albi, Maurice Pezous (Ingénieur mécanique) décide de construire un coupé sportif regroupant l'ensemble des meilleures technologies de l'époque. Pour cela il se fait accompagner par Albert Mazel (Maitre Carrossier). En moins d'un an, il développe avec une équipe resserrée le prototype de la Daphné 7 - 170 SL.
Contrairement à beaucoup de ceux que l'on a appelé les "constructeurs sans patente", ou même à des personnages dont nous avons croisé la route dans ces chroniques, tel Claveau, Wimille ou Dubonnet, Pezous est plutôt ingénieur de formation, porté sur la mécanique et la recherche et aux perfectionnements des moteurs.
Il débute dans l'aéronautique, comme nombre de jeunes qui sont intéressés par les nouveautés technologiques, chez l'avionneur Hispano-Suiza pour les essais en vol. En effet, Maurice Pezous compte déjà, à son actif, l'étude et la réalisation d'un moteur sans soupape à distribution rotative - principe que l'on redécouvrira pour la "Formule 1" des années 80/90, car il permet de maîtriser les problèmes posés à la distribution dans les très hauts régimes. On lui doit aussi l'invention d'un appareil de dégazage d'huile des moteurs d'avion, ou encore celle d'une machine à ajuster les coupes de segments qui sera, plus tard, brevetée aux U.S.A.
Mais cette aventure est stoppée par la seconde guerre mondiale au cours de laquelle il est versé dans l'aéronavale puis en tant que résistant en tant que commandant de l'armée secrète du Tarn. Il refusera de réintégrer l'entreprise de son ancien employeur passé sous la tutelle de Daimler-Benz et retournera au sein de l'aéronavale. Il travaille sur un projet apte à rendre les avions américains Catalina plus efficaces dans la lutte contre les sous-marins, et participe à des travaux d'étude du futur char d'assaut français AMX.
Mais, Maurice-Emile Pezous quitte cette situation pour retourner à Albi, la ville natale pour ouvrir un garage qui devait lui rappeler celui où il a vécu son enfance et son adolescence; celui de son Grand-Père Émile Couzinié, mécanicien personnel des Toulouse-Lautrec.
Concessionnaire pour les camions Fargo (une marque appartenant à Chrysler), le garagiste se lance dans une foule de recherches, multipliant les dépôts de brevets, dans tous les domaines vers lesquels l'emmène son esprit créatif. Ce qui va du dispositif de déroulement de la chaîne dans les métiers à tisser à des perfectionnements du moteur à deux temps. M.E.Pezous se satisfait de cette activité de "free lance", comme on dirait aujourd'hui, qui lui laisse la liberté de ses choix techniques et des cheminements de sa pensée.
Une vraie 'G.T." pour la France !Comme beaucoup d'autres passionnés, Pezous déplore, en ce début des années cinquante, la déliquescence - hélas devenue irréversible - des grandes marques françaises de prestige bridées par un "Plan Pons" ! Les grandes marques d'avant guerre tels Delahaye/Delage, Talbot-Lago, Bugatti, Salmson ou Hotchkiss sont peu enclins à suivre les progrès techniques et les nouveaux procédés de fabrication pendant qu'à l'étranger Jaguar, par exemple, propose sa XK 120 à coque autoporteuse, munie d'un moderne "6 en ligne" à double arbre à cames en tête, de freins à tambours hydrauliques efficaces. A l'instar de Pierre Daninos (Facel Vega) à Jean Rédelé (Alpine), pour ne citer qu'eux, Maurice-Émile se lance le défi de réaliser une belle voiture sportive, bien française, tout à fait apte à barrer la route aux productions anglaises ou italiennes du moment. Son activité de constructeur démarre dès les années 50 avec un coach à moteur traction 11CV.
Le projet de Pezous ne manque pas de réalisme ; Il a, autour de lui, des alliés précieux, à commencer par ses mécaniciens Raoul Rodat, et un certain M.Héral, des artisans habiles comme le sellier M.Chabal, ou le carrossier Albert Mazel
En 1951, Pezous se lance dans la conception du véhicule, dont la cellule centrale faisant office d'habitacle reçoit des éléments tubulaires avant (où sera installé le moteur) et arrière.
Parfaitement conscient des difficultés que poseraient la création d'une mécanique inédite, le constructeur d'Albi se tourne vers le 4 cylindres-2 litres de la Citroën "Traction" 11 CV, et adopte également des suspensions empruntées à la "Traction". Par contre, la boîte traditionnelle est remplacée par une boîte de vitesses électromagnétique "Cotal", très prisée pour sa douceur et sa (relative !) précision. Comme nous avons affaire à une voiture sportive - on ne parle encore guère de la notion de "Grand Tourisme" - le moteur est dopé par deux carburateurs double-corps Solex, et une tubulure d'échappement "2 en 1" travaillée qui permettent d'obtenir aux environs de 80 chevaux.
La suspension est, elle aussi, revue à la dureté, et la force motrice passe par les roues avant, car Pezous a vite compris que l'adaptation à la formule "propulsion" coûterait une fortune, eut égard à un résultat aléatoire ! Par contre, le concepteur a étudié un système de freins à disques ventilés qui donne à cette voiture un pouvoir de ralentissement étonnement efficace pour l'époque …
Digne des meilleurs "designers" italiens
La première M.E.P. (Maurice-Emile Pezous), est baptisée "Daphné VII". Daphné, comme la nymphe fuyant Apollon et, pour lui échapper, se changeant en laurier, plante devenue symbole de gloire. Et "VII", car ce chiffre mythique fait partie du credo personnel de Maurice Emile Pezous, qui s'imposait des cotes métriques multiples de sept, et mangeait, chaque matin, sept pruneaux ! Cette voiture, terminée en 1953, dispose d'un capot et d'un coffre en aluminium, et ce strict coupé 2 places, affecte la ligne "fastback" joliment agressive des productions transalpines de l'époque, avec sa calandre ovoïde grillagée qui évoque celle d'une Ferrari. On ne sait pas exactement qui a dessiné la "Daphné VII", mais la silhouette est une authentique réussite, et Albert Mazel a remarquablement bien travaillé.
Le coupé vert clair est, alors, utilisé au quotidien par son constructeur, jusqu'au jour où, malgré qu'elle ait été baptisée par Monsieur le Curé, l'auto est sérieusement malmenée, après une rencontre avec une … vache ! Suite à cet accident, ce premier véhicule servira de base à la constitution de 6 autres modèles.
MEP Daphné 7 - 170 SL - 1954 L'incident entraîne des modifications importantes, dont une calandre encore plus "Ferrari" incluant des phares additionnels, l'adjonction de pare-chocs, de nouvelles roues à voile plein, et l'adoption d'une teinte du plus beau rouge. Pezous, superstitieux, ne veut plus entendre parler du vert, bien que cette nouvelle teinte risque de plaire aux …taureaux ! Cette première D7 est, aussi, la seule survivante connue de la lignée des "Daphné", est depuis 1982, la propriété de la famille du Maitre Carrossier Albert Mazel qui décédait sur le circuit d'Albi lors du Grand Prix des Violettes, fauché par une monoplace, en Mars 1968 sous les yeux de son fils Michel alors chronométreur. .
Fiche technique :
Moteur : Traction 11 modifié (embiellage allégé, rapport compression augmenté) à l'origine puis intégration DS19 - 1.900 cm3 - 83 chevaux ;
Alimentation : Double Carburateurs WEBER simple corps ;
Châssis tubulaire ;
Carrosserie : Tôle d'acier et alliage léger (éléments mobiles) ;
Transmission : Embrayage de série type E.R.S.A. à 4 vitesses ;
Freins à tambours à l'arrière, à disques ventilés à l'avant ;
Suspension : 4 roues indépendantes, suspension avant à barre de torsion ;
Performances vitesse de pointe 160 km/h, 500 mètres départ arrêté 22" 5/10, 1.000 mètres départ arrêté 37" 6/10 ;
Consommation environ 9 litres au 100 km.
Le second modèle, un coupé 2+2 dont la ligne n'a rien à voir avec le premier modèle (il utilise des ailes avant et un capot empruntés à la Renault Frégate), propose une allure générale plus "statutaire", comme on le dirait maintenant. Sur cette D7 N°2, les freins sont classiquement à tambour, le moteur provient toujours d'une 11 CV, comme les trains roulants, et la boîte de vitesses est traditionnelle. On sait aussi que la carrosserie est entièrement en tôle d'acier. Livrée en juin 1953 à un industriel de Castres, Jacques Patissier, spécialisé dans le textile, la D7 N°2 sera, au fil des années, modifiée et améliorée par son constructeur.
En 1955, Pezous signe un contrat avec Citroën qui prévoit l'implantation sur Albi d'un site de production du coupé Grand Tourisme pour la marque aux chevrons. Malheureusement ce projet n'aboutira pas et seuls 7 modèles de la Daphnée seront construits.
Maurice Emile Pezous avait installé son nouveau garage albigeois dans la même avenue que le précédent, ayant besoin d'espace pour développer sa concession Citroën, qui vient à point nommé le sortir d'une situation financière délicate. Il construit ses coupés et son cabriolet loin des contraintes imposées par l'industrialisation, mais forcément selon un schéma économique peu rentable ! Il est certain que les "Daphné VII" qui ont été vendues ont coûtées beaucoup plus cher à fabriquer que le montant du prix facturé au client. Par contre, Pezous continue de déposer des brevets (dont un système de freins à disques, un dispositif de suspension, un plateau tournant pour la présentation d'un véhicule dans les salons, etc …), dont il tire quelques bénéfices bienvenus.
La Daphné N°4, qui reprend le dessin du coupé 2 places de 1952, comme le N° 3, est vendue à un M.Louis Notté qui, passionné ami de nombreux pilotes, découvrant l'auto en construction lors d'un passage à Albi (il est venu faire réviser sa Porsche 356 A !), se la réserve illico.
La N°1, à droite, et sa copie conforme N°4, vendue à Louis Notté La "Daphné VII" N°5, toujours dans la lignée du coupé originel, trouve preneur à Paris, où l'acheteur est un M.Plantiveau, dont il n'est pas précisé s'il appartient à la famille de Charles Plantiveau (ou si c'est lui ?), vu plusieurs fois dans les "24 Heures du Mans" entre 1951 et 1953, sur des Panhard d'usine.
La N°6, on le sait grâce à une unique photo de piètre qualité, avait des phares encastrés et une calandre profilée, mais comme la N°3, on ne sait rien de sa destinée. Elle semble n'avoir jamais quitté le garage, aurait-elle servie de base à la N°7 ?
Enfin,
la dernière "Daphné VII" est un joli cabriolet muni d'un hard-top, avec un pare-brise panoramique qui pourrait bien provenir d'une Simca Océane, et dont la fuite des ailerons arrière rappelle, aussi, la carrosserie de la Simca. Cette ultime voiture -la septième, naturellement !- avait été commandée par un client qui, semble-t-il, n'est jamais venu la chercher …
Lorsqu'éclate la crise de Suez en 1956, elle met fin à un possible passage à la fabrication en petite série, les investisseurs contactés ayant pris peur face aux menaces, réelles ou supposées, d'une pénurie de pétrole fatale à l'avenir des automobiles d'exception. Mais Maurice-Emile Pezous et son compère Albert Mazel n'en ont pas terminé avec la conception et la construction des engins à quatre roues. La "Daphné VII" n'a jamais intéressé Citroën, mais elle a peut-être attiré l'attention de la marque sur les talents de créateur de son représentant albigeois.
Lorsque naît, en 1968, la
"Formule bleue" que soutiennent "Total" et la firme aux chevrons, c'est une autre histoire qui se joue...
Sources : Nenelechampenois René B. » Big Blog Blag - Photos: collection de l'auteur, Maxime MAZEL l'un des 3 petits fils d'Albert MazelMEP Daphné 7 170 SL Coupé 2 places construit par Maurice-Emile Pezous et doté d'une mécanique Citroën TA 11 CV, carrossé par Albert Mazel, (miniature en résine) 1954 SPARK Editions "MileziM" Réf. : Z0021 - 2018A tantôt
Alain